Les détecteurs de gaz peuvent être difficiles à entretenir, particulièrement lorsque vous devez effectuer des étalonnages fréquents. L'étalonnage en lui-même n'est pas spécialement long ou compliqué : il s'effectue en quelques minutes au moyen de quelques boutons. Le plus difficile est de réussir à caser cette tâche dans un planning déjà bien chargé. Et plus le rythme de travail s'accélère, plus il devient dur de faire une pause pour procéder à l'entretien d'un appareil qui ne montre pas de signes d'usure et qui ne va pas vous aider à terminer votre travail plus vite.
Pour des performances optimales, les fabricants d'appareils recommandent généralement d'effectuer un test de déclenchement quotidien avant l'utilisation et un étalonnage mensuel. Malheureusement, il existe une croyance dangereuse selon laquelle les recommandations de l'industrie en matière d'entretien seraient inutiles et les recommandations des fabricants auraient pour seul but de vendre du gaz étalon.
Ces rumeurs ont enflé récemment avec l'apparition de détecteurs multi-gaz à cellule infrarouge basse consommation pour la détection des gaz combustibles qui, soi-disant, peuvent fonctionner jusqu'à deux années de suite sans nécessiter d'étalonnage. Il est vrai que les cellules infrarouges basse consommation augmentent considérablement l'autonomie des appareils, mais ces détecteurs utilisent la même technologie de cellule électrochimique pour la détection des gaz toxiques. De ce fait, pourquoi n'auraient-ils pas besoin d'être étalonnés ? Si la technologie est la même, pourquoi les recommandations en matière d'entretien changeraient-elles ? Si j'installe une nouvelle stéréo dans ma voiture, dois-je arrêter de permuter mes pneus ?
Les recommandations des fabricants d'appareils en matière d'étalonnage se fondent sur de multiples facteurs, notamment la dérive des cellules. La dérive des cellules désigne la dégradation naturelle et progressive des performances d'une cellule dans le temps, à mesure que ses composants vieillissent. C'est une réalité incontestable de la technologie des cellules électrochimiques.
En septembre 2013, l'OSHA a publié un bulletin d'information sur la santé et la sécurité intitulé « Étalonnage et test des détecteurs de gaz portatifs à lecture directe ». Dans ce bulletin, l'OSHA citait neuf facteurs qui contribuent à la dérive des cellules. Sept d'entre eux sont directement liés aux cellules électrochimiques :
- Dégradation des composants contenant du phosphore
- Dégradation des composants contenant du plomb
- Dégradation chimique progressive des cellules et dérive des composants électroniques qui surviennent normalement avec le temps
- Utilisation dans des conditions extrêmes (température ou humidité élevée/basse, grand nombre de particules en suspension dans l'air, etc.)
- Exposition à de fortes concentrations de vapeurs et gaz cibles
- Exposition des cellules électrochimiques de gaz toxiques à des vapeurs de solvants et à des gaz très corrosifs
- Manipulation de l'équipement/Frottements causant des vibrations et des chocs répétés qui affectent les composants électroniques et les circuits
Le troisième facteur est la dérive des cellules, généralement comprise entre <2 % et <5 % par mois. Ainsi, une cellule qui détecte 100 ppm immédiatement après l'étalonnage ne lit plus que 95 ppm au bout d'un mois, sans tenir compte de l'impact d'autres facteurs environnementaux. Les caractéristiques des cellules sont testées en laboratoire, mais il faut savoir que les cellules constamment soumises à des applications et environnements exigeants fonctionneront en dessous de ces spécifications.
Par souci de simplicité, l'exemple suivant ne tiendra pas compte des autres causes de dérive de cellule, y compris les sept autres facteurs répertoriés plus haut ainsi que la dérive temporaire causée par les changements brusques de température et de taux d'humidité. Les deux courbes ci-dessous sont basées sur une dérive mensuelle de 2 % pour des cellules de monoxyde de carbone (CO) et de sulfure d'hydrogène (H2S) et des concentrations standard de gaz étalon de 100 ppm et 25 ppm, respectivement. L'effet cumulatif d'une dérive mensuelle de 2 % aboutit, à lui seul, à des mesures de 38 % plus basses après 24 mois et de 62 % plus basses après 48 mois. Autrement dit, au bout de deux ans, un appareil utilisé dans un environnement dangereux et exposé à 100 ppm de CO et 25 ppm de H2S risque d'afficher seulement 62 ppm de CO et 15,4 ppm de H2S. Au bout de quatre ans, les mesures seront de 38 ppm de CO et de 9,5 ppm de H2S. Rappelons que ces courbes ne tiennent pas compte des autres causes possibles d'erreur de mesure et se basent uniquement sur la dérive naturelle des cellules. Après quatre ans, aucun des deux appareils ne génèrera d'alarme aux valeurs seuils standard. La mesure de H2S ne déclenchera même pas une alarme basse.

Un argument fréquemment avancé contre l'étalonnage routinier est qu'un test de déclenchement régulier suffit à vérifier les performances des cellules. Or un test de déclenchement permet de s'assurer que l'appareil détecte la présence d'un gaz, mais pas de vérifier la précision des mesures. Pour réussir un test de déclenchement, un appareil doit généralement détecter 50 % de la concentration de gaz étalon à laquelle il est exposé. Dans les exemples précédents, l'appareil devrait détecter 50 ppm de CO et 17,5 ppm de H2S. Ce n'est donc qu'au bout de 34 mois de dérive progressive des cellules que les appareils échoueraient au test de déclenchement. Les tests de déclenchement sont un outil d'une extrême importance, mais ils ne constituent absolument pas une alternative à l'étalonnage.
Imaginons que votre collègue vous ait emprunté votre détecteur de gaz flambant neuf pendant quelques heures. En retournant au bureau, il a fait tomber l'appareil dans la boue, ce qui a bouché les ouvertures de cellule. Si vous soumettez l'appareil à un test de déclenchement avant sa prochaine utilisation, le problème sera détecté et le test échouera car le gaz ne parviendra pas jusqu'aux cellules. Le test ne corrigera pas la précision de la mesure ; il contrôlera seulement la capacité du gaz à atteindre les cellules.
Un bon moyen d'assurer et de simplifier l'entretien des appareils est d'utiliser une station d'accueil ou une station d'étalonnage. Ces dispositifs automatisent les tests de déclenchement et les étalonnages routiniers et permettent en outre de télécharger des journaux de données, de mettre à jour les paramètres et le micrologiciel et, plus important encore, de vous concentrer sur votre travail.
Même si l'étalonnage fréquent des appareils est clairement une tâche pénible, son importance ne doit jamais être minimisée. Les exemples précédents illustrent parfaitement comment un détecteur de gaz mal étalonné peut fournir des mesures complètement fausses au fil du temps. Les détecteurs de gaz peuvent sauver des vies. Ne laissez pas de fausses rumeurs ni quelques minutes d'entretien les empêcher de jouer leur rôle.